
Après de longues années d’attente, la saga Silent Hill revient avec un nouvel épisode audacieux : Silent Hill f. Développé par NeoBards Entertainment et édité par Konami, ce volet déplace l’action dans un Japon rural des années 1960, loin du brouillard des petites villes américaines de la licence. Le joueur incarne Hinako Shimizu, une lycéenne dont la ville d’Ebisugaoka bascule peu à peu dans l’horreur et le surnaturel. Je ne vais pas mentir : quand Silent Hill f a été annoncé, je n’y croyais pas vraiment. Entre les remakes et les reboots qui n’en finissent plus, je pensais que la saga ne retrouverait jamais ce qui faisait sa force : cette peur lente, psychologique, où chaque silence fait plus de bruit qu’un cri. Et pourtant… après plusieurs heures à arpenter les ruelles d’Ebisugaoka, j’ai retrouvé cette sensation que j’avais oubliée depuis les premiers Resident Evil.
Dès les premières minutes, Silent Hill f m’a happée. Le Japon des années 1960, ses villages figés dans le temps, ses temples et ses forêts envahies de fleurs rouges — tout respire la beauté… et la mort. L’atmosphère est poétique et dérangeante à la fois. On retrouve bien ce mélange typique de Silent Hill : une mélancolie permanente, une horreur qui rampe, sans jumpscares inutiles. Chaque couloir, chaque ruelle semble raconter une histoire tragique, et j’ai adoré ce sentiment de malaise constant, presque hypnotique.

Je l’avoue : j’ai toujours eu un faible pour les survival horror old school. Et sur ce point, Silent Hill f coche toutes les cases. Exploration minutieuse, gestion limitée des ressources, portes verrouillées, va-et-vient entre différentes zones… on retrouve clairement le feeling des premiers Resident Evil. Mais là où le jeu m’a vraiment conquise, c’est dans ses énigmes. Certaines m’ont donné du fil à retordre, sans jamais devenir frustrantes. On sent que les développeurs ont voulu rendre hommage à cette époque où il fallait vraiment observer, réfléchir, fouiller chaque recoin avant d’avancer.
C’est lent, parfois un peu archaïque, mais c’est justement ce que j’aime.
Le système de combat est probablement la partie la moins maîtrisée du jeu. Les affrontements sont lents, les armes se cassent vite, et la gestion de la santé mentale rend parfois l’expérience un peu lourde. Mais, paradoxalement, c’est aussi ce qui renforce la tension. On n’est jamais à l’aise, jamais vraiment armé pour affronter ce qui nous attend. Silent Hill f ne cherche pas à nous rendre puissants, il veut nous faire ressentir la vulnérabilité — et sur ce point, il réussit.

Narrativement, le jeu m’a énormément plu. Le scénario de Hinako Shimizu, cette lycéenne confrontée à la déchéance de sa ville et à ses propres démons, m’a vraiment touchée. La mise en scène est soignée, les dialogues bien écrits, et certains passages sont d’une beauté macabre incroyable. Mais… la première fin m’a laissée sur ma faim. Elle laisse beaucoup de zones d’ombre, et donne la sensation d’un récit volontairement incomplet. J’aurais aimé un dénouement plus marquant ou plus clair. Heureusement, plusieurs fins alternatives existent, et je compte bien les découvrir pour comprendre toute la portée de l’histoire.
Mention spéciale pour la bande-son. Les compositions, parfois quasi silencieuses, parfois traversées de dissonances étranges, m’ont rappelé les meilleures heures de Silent Hill 2. Les sons organiques, les respirations, les murmures… tout participe à cette ambiance viscérale. Graphiquement, sans être une claque technique, le jeu impressionne par sa direction artistique. La flore rouge, symbole du mal qui ronge la ville, est à la fois fascinante et écœurante.
Silent Hill f est un vrai retour aux sources du survival horror : lent, oppressant, exigeant.
J’ai retrouvé ce plaisir que je croyais perdu : celui d’avoir peur sans qu’on me hurle dessus, de réfléchir avant d’agir, de me sentir fragile dans un monde qui s’effondre.
Il a ses défauts, bien sûr : quelques lourdeurs dans les combats, une fin frustrante, et une narration parfois trop elliptique. Mais dans un paysage vidéoludique saturé de blockbusters formatés, Silent Hill f ose autre chose : il ose le malaise, l’inconfort, le mystère.
8/10 Un retour terrifiant, poétique, et profondément humain — qui m’a prouvé qu’on pouvait encore raconter des histoires comme ça.
